POUR UNE REFORME DES RETRAITES PAR LE HAUT.           

Mai 2020

(« Si toutes les caisses étaient comme celle des notaires, il n’y aurait pas de problème »)

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Ces paroles, prononcées à voix basse par un haut fonctionnaire lors de l’une des séances de « concertation » auprès du Haut-Commissariat à la Réforme des Retraites résument bien l’esprit du défunt projet de réforme, à savoir un alignement par le bas des cotisations, de la qualité de gestion et des prestations.

Cette réforme, dont personne ne voulait plus avant l’arrivée du covid-19, est maintenant enterrée et nous pourrions nous demander : mais qu’allions nous faire dans cette galère ?

Pourtant, les difficultés de la France en matière de retraite demeurent : l’absence de retraite par points et le refus passé de la capitalisation sont des handicaps pour assurer à toute la population, quelle que soit la démographie de la branche à laquelle chacun appartient, une retraite correcte; mais ce n’est pas une raison pour abandonner toute idée de réforme.

Quels seraient donc les atouts de la Caisse des notaires, que l’on pourrait copier, pour hisser toute la population à un bon niveau de prestations ?

  1. a) un âge de départ à taux plein fixé à 67 ans; si l’on compare les régimes des pays voisins qui ont un niveau de vie comparable au nôtre ou supérieur, force est de reconnaître qu’un âge de départ à 60 ans ne peut pas procurer une bonne retraite ;
  2. b) une assiette de cotisation à plafond très supérieur à celle envisagée par le projet de réforme ; l’assiette prend en compte en grande partie le demi-net, supérieur aux bénéfices, comme chacun le sait, et le plafond de cotisation dépasse largement celui que prévoyait le régime universel ;
  3. c) une politique de fixation des pensions prudente permettant de constituer des réserves solides (12 années de prestations) et d’avoir ainsi un régime de répartition provisionnée dont les caractéristiques sont celles de la capitalisation pour plus de deux tiers des engagements ;
  4. d) une démographie en expansion, sous la pression il est vrai des pouvoirs publics, ce qui n’est jamais assuré pour l’éternité…

C’est pourquoi il faut envisager une solidarité entre les caisses de retraite ; elle est déjà en place avec le versement par notre caisse, au profit du fonds de compensation des autres caisses dont la démographie est déficitaire, à hauteur de 1.400 € par an par cotisant, c’est-à-dire par notaire titulaire ; à titre de comparaison, nos amis avocats versent 1.500 € par an par cotisant à cette même caisse de solidarité ; faudrait-il envisager une légère augmentation de ce versement ? Avant de répondre à cette question il conviendrait que les pouvoirs publics donnent les critères sur lesquels elle est fondée ; la parfaite transparence est un préalable à tout consentement à cette augmentation.

Les autres caisses de retraite pourraient être incitées à prendre des règles comparables à celle de la Caisse des notaires.

Un regroupement des 42 caisses indépendantes par deux ou trois, pour atteindre le nombre d’une quinzaine pourrait être encouragé, sans toutefois aller jusqu’à une caisse unique pour ne pas assécher la richesse de l’émulation et de la proximité des administrateurs et des affiliés ; la gestion par l’État dans un organisme unique a malheureusement montré ses limites ces dernières années.

Pourquoi se priver du bénévolat efficace des professionnels auprès de leurs caisses de retraite ?

Selon des règles datant de la fin de la première guerre mondiale, les caisses de retraite doivent souscrire un minimum d’emprunt d’État (34%), ce qui allège d’autant l’effort de placement des obligations dudit État ; compte tenu maintenant des facilités offertes par la banque européenne, ce devoir de placement en obligations d’État n’a plus lieu d’être et les caisses devraient retrouver leur liberté de placement dans le tissu économique c’est-à-dire en actions et aussi dans l’immobilier ; le plafond de 20 % en immobilier déjà bâti pourrait être augmenté d’un autre plafond de 20 % en immobilier neuf, pour encourager la construction, et le surplus pourrait être librement placé en action ou en obligations ; Ainsi les entraves à la bonne gestion de nos futures retraites seraient levées.

Maintenant que la tentative de réformer ce qui fonctionne bien est abandonnée, pourquoi ne pas copier les atouts des caisses efficaces et tirer les retraites des Français vers le haut ?

Régis HUBER

LES NOTAIRES VONT-ILS PAYER LA RETRAITE DES AVOCATS ?

 » Nicole BELLOUBET annonce avoir confié une mission à Dominique PERBEN pour fournir des solutions opérationnelles nécessaires à l’équilibre économique des cabinets d’avocats, d’ici  Avril. Cette mission examinera notamment la possibilité de donner un caractère exécutoire à l’acte d’avocat« .

Et on remet ça !

Mais ne me dites pas que cette fois -ci c’est pareil. L’originalité de la proposition réside dans la motivation.

La force exécutoire pour l’acte d’avocat, c’est une vieille revendication des avocats. On pourrait citer le rapport de la commission ATTALI, celui de la commission DARROIS, autant de réunions de « sachants » à s’être penchées sur la question à la demande du barreau. Avec toujours la même réponse négative qui aurait pu nous faire penser l’affaire définitivement classée. Que l’on sache, l’ordre juridique français, ses fondements, sa justification, n’ont pas changé au point de redonner une quelconque actualité à la question.

Faut-il rappeler la conclusion du rapport DARROIS ? « Certains avocats réclament la possibilité de dresser des actes authentiques à l’instar des notaires;  la commission a examiné cette éventualité. Elle l’a écartée en raison des caractéristiques essentielles de l’acte authentique. »

Le rapport ATTALI, plus ancien, dans sa décision 218, range les notaires, à la différence des avocats, dans la catégorie des « professions juridiques délégataires d’une  mission de service public ». Et n’envisage à aucun moment d’inclure les avocats dans le service public de l’authenticité.

Faut-il rappeler les avis émis par l’éminent Professeur GAUDEMET, celui du professeur Laurent AYNES, aujourd’hui devenu avocat ? Tous ont conclu à l’incompatibilité        de la mission de l’avocat avec le statut d’officier public. La loi de Décembre 1971 consacre l’indépendance de l’avocat, profession libre et indépendante quel que soit le mode d’exercice. Indépendance également consacrée dans la charte des barreaux européens. Et visiblement mise en pratique si on en juge par l’attitude des avocats face à la réforme des retraites.

Car voilà que la question est à nouveau remise sur le tapis. Et pourquoi ? Parce que les avocats ont effectivement jeté  leurs robes,  perturbé quelques discours,  et, surtout, manifesté cette totale indépendance par l’exercice d’une faculté que leur autorise  leur statut (à la différence de celui de l’officier public), celle de faire grève et de perturber le bon fonctionnement de la justice.

Vous avouerez que l’histoire ne manque pas de sel. On peut largement comprendre le mécontentement et l’inquiétude de nos amis du barreau à la lecture du projet de loi sur les retraites. Mais vous ne m’empêcherez pas de penser qu’il y aurait une certaine incongruité à en faire supporter les conséquences aux notaires … notaires qui, eux, ont fait preuve d’une sagesse remarquable (et peut-être coupable) alors même que le projet menace les réserves de leur propre caisse de retraite et les contributions de la profession aux œuvres sociales de leurs salariés.

Qu’une réforme sur les retraites, visiblement mal ficelée aux dires de bon nombre d’observateurs et de spécialistes, remette en cause l’ordonnancement juridique et des principes aussi fondamentaux que celui de l’authenticité au seul motif qu’il convient de calmer le mécontentement, aussi justifié soit-il, d’une profession qui a su utiliser les moyens adaptés pour se faire entendre, c’est tout bonnement irresponsable et inadmissible.

Ce n’est pas au notariat de supporter le coût de l’augmentation des cotisations retraites des avocats.

Confrères, réveillons-nous !

Pour renouveler haut et fort votre opposition irréductible à ce projet, adhérez au Syndicat National des Notaires ! Nous ferons passer votre message.

Régis de LAFFOREST, président honoraire du SNN.

À propos de la nature juridique des 4 % CRPCEN…

À l’occasion de la réforme des retraites -qui semble pour le moment paralysée par la crise sanitaire que traverse le pays et que Gilles LE GENDRE, président du groupe « En Marche » à l’Assemblée nationale, propose d’abandonner contre un hypothétique « pacte républicain »-, la question des 4 % versés par les Notaires au profit de la CRPCEN s’est reposée avec acuité. Si la réforme est pour l’instant au point mort, il convient cependant de rester vigilant quant à ce versement au profit des employés du Notariat.

Rappelons que cette cotisation a été mise en place par une loi 12 juillet 1937, à l’occasion de la création de la Caisse de retraite et d’assistance des clercs de Notaires. L’article 1er, 2°, précise que cette cotisation est obligatoire pour tous les notaires en exercice et qu’elle est égale à un pourcentage, fixé par décret, de l’ensemble des émoluments et honoraires définis par les textes. Elle vient s’ajouter aux cotisations sociales classiques, perçues sur le salaire brut et est, rappelons-le, affectée à la protection sociale des employés du Notariat, mais aussi à leur retraite, aux œuvres sociales et à l’assurance-chômage.

Lors des discussions menées dans le cadre de la réforme des retraites envisagée par le gouvernement Macron, la question de cette cotisation inédite en droit de la sécurité sociale –puisqu’assise sur les honoraires- s’est bien entendu posée ; dès lors que les employés du Notariat auraient été rattachés au régime général, le principe d’égalité voulait que la cotisation de leurs employeurs s’en tienne au financement usuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire une assise salariale. Pourtant, le gouvernement, toujours en quête d’argent, a précisé que les 4 % seraient toujours dus et viendraient abonder le régime général.

L’on va voir que la question est beaucoup plus épineuse qu’il n’y paraît de premier abord.

La haute-administration a pour principe directeur d’agir avec des coups de billards à plusieurs bandes, nous le savons.

Le premier acte a été lancé par un arrêt du Conseil d’État du 1er octobre 2018[1] ; l’affaire est soulevée à l’occasion d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir d’une décision de rejet implicite du premier Ministre, concernant l’abrogation du 3° de l’article 4 du décret du 28 juin 1991, 3° fixant le taux de cotisation CRPCEN à 4 %.

Le requérant soulevait lors de cette instance, une demande de question prioritaire de constitutionnalité, que le Conseil d’Etat va rejeter. Cette demande se fondait sur les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen des 20-26 août 1789 reconnaissant le principe d’égalité et l’égale contribution des citoyens à l’impôt.

Le requérant estimait en premier lieu que la cotisation de 4 % ne bénéficiait qu’aux employés des Notaires employeurs, au détriment des notaires nouvellement installés… En second lieu, il estimait que les Notaires venant en concurrence avec les avocats sur le « marché de la prestation juridique », il était contraire au principe d’égalité de laisser la cotisation à la seule charge des premiers.

En toute logique, le Conseil d’Etat écarte cette argumentation, puisque le principe d’égalité n’oblige pas le législateur à traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes, que l’objectif de la cotisation poursuit un but d’intérêt général et en reconnaissant enfin que les Notaires et les avocats sont placés dans une situation différente eu égard à leur champ d’attribution et aux modalités de leur exercice professionnel.

De manière beaucoup plus inquiétante, le Conseil d’Etat, dans le cours de son raisonnement, affirme par deux fois : « cette cotisation due par les notaires, assise sur leurs émoluments et honoraires, a pour objet de dégager des recettes supplémentaires afin de les affecter au financement du régime d’assurance vieillesse et de prévoyance des clercs et employés de notaires et n’est pas la contrepartie, pour les notaires cotisants, d’un droit aux prestations servies par cette caisse. Elle revêt, par conséquent, le caractère d’une imposition de toute nature. » Plus, il affirme encore : « enfin, le requérant ne peut utilement ni se prévaloir de ce que la cotisation instaurée, eu égard à son caractère d’imposition de toute nature, est sans rapport, pour les personnes qui en sont redevables, avec le bénéfice des prestations servies par la Caisse de retraite… ».

Le raisonnement est donc assez simple : étant donné que les Notaires employeurs cotisent pour des prestations qui seront servies à leurs employés, ils ne sont pas directement bénéficiaires de ces cotisations, ce qui en fait des impositions de toute nature, expression classique sous la plume de la Haute Juridiction. Il n’y a, en effet, dans la jurisprudence administrative, aucune définition donnée de l’impôt, mais seulement un concept négatif : les impositions de toute nature ne peuvent être ni une taxe parafiscale, ni la rémunération d’un service rendu, ni une cotisation sociale. Suivant la définition du Doyen JÈZE, l’impôt est « une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques »[2].

Cette qualification n’est absolument pas, on s’en doutera, anodine ; elle participe à un grand mouvement de fiscalisation des prestations sociales, ce qui donnerait la haute main à l’Etat sur la gestion des caisses de sécurité sociale, et réduirait les partenaires à une portion de plus en plus congrue ! Le financement par l’impôt est une évidente perte de contrôle par les cotisants et les bénéficiaires.

Alors, dans quelle mesure les prestations sociales doivent être financées par leurs bénéficiaires au moyen d’une assurance volontaire ou forcée et ce au nom de la prévoyance et dans quelle mesure doivent être couvertes par des prélèvements fiscaux opérés sur l’ensemble de la collectivité au sur certaines catégories d’assujettis et ce au nom de la solidarité ?[3]

Le raisonnement est imparable : les Notaires employeurs ne bénéficiant pas directement des prestations de la CRPCEN, alors la cotisation de 4 % est un impôt, en conséquence de quoi, si la réforme devait être menée à bien et la Caisse des clercs disparaissait, les 4% seraient toujours dus au titre des impôts.

On peut cependant arguer, a contrario, que bon nombre de notaires employeurs ont été précédemment salariés dans les offices et que l’immixtion des notaires salariés vient quelque peu nuancer l’absence de contrepartie directe au versement de la cotisation…

Ensuite, certains crédits de la CRPCEN sont affectés (comme les fonds dédiés à l’Action sociale), ce qui est contraire au principe de l’universalité budgétaire et de la non affectation de l’impôt.

Le grand argument de l’administration d’Etat pour justifier ce changement de paradigme est la supposée mauvaise gestion des fonds des régimes de sécurité sociale par les partenaires sociaux. On sait aussi que cette affirmation est fausse[4]… a fortiori pour la CRPCEN[5] !

Un premier jalon important de cette « guerre » de la fiscalisation de la protection sociale a été posé par Michel ROCARD, avec l’instauration de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1990 ; il s’agissait encore de jouer sur la « dette » pour imposer une nouvelle taxation. La même passe d’armes a eu lieu : CSG, impôt ou cotisation sociale ?

La CSG sera définie comme un impôt par le Conseil constitutionnel dans une décision de 2000[6] ; s’appuyant sur l’article 13 de la DDHC, qui reconnaît l’égalité des citoyens devant l’impôt, les Sages de la Rue de Montpensier censurent l’instauration par la Loi de Financement de Sécurité sociale d’un CSG réduite pour les bas salaires. Le raisonnement est donc incident.

La question devra être tranchée par une mise en demeure de la CJCE du 15 février 2000, Commission c/ République française par laquelle la Cour demande à la France d’exempter les non-résidents fiscaux du paiement de la CSG, considérée non comme un impôt mais comme une contribution sociale. Après quelques années de résistance, le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel vont se ranger à l’opinion des juges de la CJCE, devenue CJUE.

Par un arrêt du 26 février 2015, RUYTER, la CJUE tranche pour le statut de cotisation sociale de la CSG, en particulier du fait de l’extension de la base de la cotisation aux revenus immobiliers des non-résidents fiscaux français ainsi qu’aux plus-values immobilières. La question reste cependant ouverte concernant la CSG, du fait de la crainte d’une baisse du financement de la protection sociale par ce biais[7].

Cependant, s’agissant de la question du partage entre cotisations sociales et impôts,  la jurisprudence du Conseil constitutionnel a évolué sous la pression de instances européennes : on distingue désormais les impositions de toute nature des cotisations de sécurité sociale, ces dernières se définissant comme des « versements à caractère obligatoire ouvrant des droits aux prestations et avantages servis par un régime obligatoire de sécurité sociale »[8]. Dès lors qu’un versement « n’a pas pour objet d’ouvrir des droits à des prestations et avantages servis par un régime obligatoire de sécurité sociale » mais participe, par exemple, au financement d’un organisme d’administration centrale, ce versement est une imposition de toute nature.

Au vu de ces différents éléments, on croit pouvoir dire que la cotisation de 4% versée à la CRPCEN est donc bien une cotisation sociale, le Conseil constitutionnel semblant abandonner le lien direct du bénéfice du versement des prestations. Cette cotisation étant affectée à un régime de sécurité sociale obligatoire, elle ne rentre donc pas dans les impositions de toute nature, contrairement à ce qui est précisé incidemment par le Conseil d’Etat dans la décision commentée. On notera par ailleurs, curieusement, que la réponse faite par le Conseil d’Etat excluait de la procédure la CRPCEN et le CSN, au motif qu’une intervention devant la Haute Juridiction ne peut être admise que si son auteur s’associe soit aux conclusions de l’appelant, soit à celles du défendeur… à savoir la requête de l’appelant tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision de rejet implicite du premier ministre, ce dernier, ainsi que l’Administration centrale, n’ayant présenté aucun mémoire en défense.

L’argumentaire juridique du Notariat n’a donc pas eu droit de cité…

Pour conclure, il faudra rester très attentif aux suites de cette affaire : même si le Conseil d’Etat se prononce incidemment ici, un faisceau d’indices relativement large permet de craindre que la cotisation de 4 % ne serve un jour à alimenter le budget général de l’Etat, sans plus aucune contrepartie pour le Notariat… Si la réforme des régimes de retraites est pour le moment enterrée, on sait que nos « partenaires européens » plaident fortement pour des « réformes » d’envergure du système social français, afin d’assurer notre compétitivité… Un prochain gouvernement pourrait donc tenter d’y revenir dans les années qui viennent !

Guillaume BÉTEMPS, juriste au SNN.

Retraites : la protection constitutionnelle des réserves, seule alternative pour le SNN !

Le projet de réforme des retraites, enjeu du rapport de force actuel entre le Gouvernement et les syndicats, a mis en lumière la question juridique de la propriété des réserves. Éclairage par Philippe Glaudet, président du Syndicat national des notaires (SNN), Henri Maurey, administrateur, et Régis Huber, président honoraire.

Un enjeu financier considérable! Les réserves des 42 régimes de retraite complémentaire représentent 153 milliards d’euros. Pour la seule Caisse de prévoyance et de retraite des notaires (CPRN), elles s’élèvent à 2,8 milliards d’euros, soit environ 200 000 euros par affilié (c’est-à-dire cotisant, retraité et ayant droit)! Au regard de l’impasse financière, annoncée de façon unanime, dans laquelle sera le futur régime universel, la question de la protection de ces réserves se pose, car il est probable que les pouvoirs publics les utilisent comme variable d’ajustement pour compenser les écarts entre retraités. Le choix dogmatique de retenir, pour le système universel, la seule méthode de la répartition et d’orienter les régimes complémentaires vers la capitalisation, évacue la voie médiane empruntée par certaines branches, à savoir la répartition provisionnée. N’est-ce pas dommage?

Ce projet de réforme met aussi en lumière une question jusqu’ici peu étudiée : qui est propriétaire des réserves constituées par un régime de retraite?

La propriété des réserves constituées par un régime de retraite

Le Conseil constitutionnel a donné une clef de lecture à propos du transfert de la gestion des branches « maladie, invalidité et maternité » et « accident du travail et maladies professionnelles» du régime des non-salariés agricoles (Décision 2013-682 DC du 19-12-2013 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014). Pour lui, seules les réserves constituées pour le compte d’un régime obligatoire de sécurité sociale peuvent être transférées sans indemnisation juste et préalable. A contrario, les autres réserves constituées, par exemple, pour le compte d’un régime complémentaire facultatif font l’objet d’un droit de propriété. 11 est donc probable que les Sages ou la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) le reconnaissent, laissant entière la question de son titulaire. La solution la plus crédible est de considérer que les réserves font l’objet d’une propriété collective dont le titulaire serait la communauté desnotaires, « membres participants » contribuant ou ayant contribué au régime (CSS art. L 922-2).

Pour mesurer l’impact de cette éventuelle reconnaissance, il est utile de rappeler que le Conseil constitutionnel distingue :

– la privation du droit de propriété, possible uniquement si la nécessité publique l’exige et sous la condition d’une juste et préalable indemnité;

– l’atteinte aux conditions d’exercice de ce droit, celles-ci pouvant être prévues par le législateur à la condition d’être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Des dispositions analogues sont prévues par l’article 1 du protocole additionnel numéro 1 de la convention européenne des droits de l’Homme traitant du droit de propriété.

Le transfert des réserves préconisé par le rapport Delevoye

Comment concilier les principes juridiques et le transfert des réserves préconisé par le rapport Delevoye? On a vu qu’un régime de retraite complémentaire peut revendiquer un droit de propriété sur ses réserves constituées. Il en est ainsi du régime complémentaire de retraite des notaires (sections B et C), qui a été constitué à l’origine par un décret du 22 avril 1949 et des textes subséquents, après consultation par référendum de l’ensemble des professionnels adhérents au régime de base. Ce décret n’a fixé que les bénéficiaires du régime et les règles applicables en matière de cotisations : toutes les autres dispositions étaient renvoyées aux statuts de la CPRN. C’est ainsi que la profession s’est organisée et a décidé de créer un fonds de réserves «destiné à faire face à ses engagements vis-à-vis des affiliés». Cette affectation particulière des réserves est loin d’être singulière : elle se retrouve dans la plupart des régimes de retraite complémentaire. Relevons néanmoins que le niveau des réserves constituées par les différents régimes, qui s’apprécie en années de prestations à servir et non en montant brut, est extrêmement variable, allant de six mois à plus de treize ans de prestations pour les notaires.

Position du rapport Delevoye…

Le scénario préconisé par le rapport Delevoye du 18 juillet 2019 est celui d’une reprise intégrale des engagements des régimes, en contrepartie d’un transfert de la «part des réserves rigoureusement nécessaires» et d’une mutualisation totale de ces réserves, toute notion d’affectation de celles-ci disparaissant au sein d’un fonds de réserves universel destiné à garantir indifféremment les droits de l’ensemble des affiliés au système universel de retraite. Il s’agit de substituer au droit de propriété des réserves des notaires un engagement politique susceptible d’être remis en question par les aléas économiques, d’une part, et dont la pérennité ne serait assurée que par la « bonne » volonté des pouvoirs successifs, d’autre part.

Cette mutualisation entraînerait mécaniquement une dilution des réserves au profit des régimes les moins prévoyants. Le Conseil constitutionnel serait amené à trancher la question de savoir si l’atteinte portée au droit de propriété par la modification de l’affectation des réserves statutairement définie est justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée à l’objectif poursuivi. S’il ne fait guère de doute que la sauvegarde de la pérennité du système de retraite français constitue un motif d’intérêt général, l’exercice du contrôle de proportionnalité est particulièrement délicat et nul ne saurait préjuger d’une décision du Conseil constitutionnel (ou de la CEDH).

et du Gouvernement…

Le Président de la République s’est démarqué sur ce point du rapport Delevoye. Lors d’un débat à Rodez, le 3 octobre 2019, il a déclaré, en réponse à une intervention du Bâtonnier de l’Aveyron : « On ne prendra à aucune caisse particulière les ressources qu’elle a emmagasinées. C’est impossible juridiquement… Et que ce soit les avocats, que ce soit les médecins, que ce soit toutes les professions libérales, les indépendants qui ont pu avoir des caisses, qui ont cotisé, qui ont des réserves. On ne le reprendra pas. Ce sera utilisé pour les professionnels jusqu’à extinction des droits de ces professionnels. Ce principe, c’est un droit acquis protégé constitutionnellement. 14 dessus, j’ai lu beaucoup de choses qui sont des bêtises. C’est impossible. Cela relève même du droit de propriété qui est le vôtre par rapport à ce régime. Ce n’est pas vrai, on ne va pas confisquer les réserves pour équilibrer le régime ». Ces propos ont été confirmés par le Premier ministre lors de son intervention devant le Conseil économique et social le 11 décembre 2019.

Proposition du SNN. Lors des entretiens avec le Haut Commissariat, le SNN a défendu la proposition suivante :

La Caisse recevrait du régime universel les sommes équivalentes aux prestations devant revenir aux notaires ayant cotisé aux régimes complémentaires sections B et C et continuerait à gérer les réserves du régime et leurs produits ; elle continuerait à servir les prestations dues à ses retraités selon les règles applicables avant la réforme, statutaires ou autres, y compris en matière de pension de réversion, en utilisant les réserves et leurs revenus, pour financer la différence entre les prestations versées par le système universel et celles qui l’auraient été dans le régime actuel.

Au regard de la concession faite par le Gouvernement au régime complémentaire des pilotes de ligne, la Caisse de retraite des notaires pourrait légitimement demander le maintien du régime complémentaire, selon des modalités à définir tenant compte de la création du régime universel (à taux modéré, adapté au profil de carrière, avec maintien du régime fiscal).

Il appartiendra à la CPRN de gérer l’insuffisance de couverture des droits acquis et constitués, au moyen des réserves et de leurs revenus, mission dont elle s’acquittera avec sa célérité habituelle. Son maintien permettrait à la fois de respecter les droits acquis et constitués des cotisants actuels et passés et de pérenniser un régime de répartition provisionné, avec système de décompte par points et d’âge pivot à 67 ans, système qui a fait ses preuves et constitue sans doute aujourd’hui la meilleure solution en matière de retraite. En effet, il protège des crises que connaissent périodique ment les régimes par capitalisation, le caractère provisionné lissant les risques de la répartition.

Les produits d’assurance, modèle unique de régime complémentaire ?

Pourquoi vouloir instituer les produits d’assurance comme modèle unique de régime complémentaire ? Il serait naïf de penser que le régime universel peut récupérer les capitaux des régimes complémentaires pour financer les dettes des autres régimes. Il serait tout aussi naïf de penser qu’il peut prévoir des exceptions ; il est raisonnable de créer pour chaque branche un régime complémentaire en charge des spécificités de la branche considérée.

La sagesse voudrait que le régime universel, véhicule du futur régime des retraites, définisse ses paramètres, le périmètre de ses prestations, les modalités de perception des cotisations ainsi que leur montant puis les redistribue aux caisses qui auront choisi le maintien d’un régime complémentaire. Et ce n’est pas rien ?

Régis HUBER, Henri MAUREY et Philippe GLAUDET,

Article paru dans Solution Notaire Hebdo du 30 janvier 2020 et Ventôse 5/2019.

Réforme des retraites : les actions du SNN.

Nous sommes tous concernés (A) et notre action a commencé à produire des résultats (B)

A : nous sommes tous concernés

Tout le monde, cotisants et pensionnés, va voir diminuer ses droits acquis, contrairement aux déclarations initiales de Monsieur Delevoye ; on peut en donner trois illustrations parmi d’autres :

  • Première illustration : avec une assiette de 120 000 € pour les futures cotisations, il est impossible, en mode répartition, que des droits à pension acquis sur une assiette parfois supérieure à 120 000 € puissent être honorés par des cotisations limitées à l’assiette des trois PASS (un plafond de la sécurité sociale est d’environ 40 000 €). Avec les « nouveaux points », les droits acquis par tous pourront-ils être servis par les nouvelles cotisations et n’y aurait-il pas une différence importante ? Par ailleurs, la valeur du point ne sera pas garantie ;
  • Deuxième illustration : la réforme met l’accent sur la solidarité avec les moins cotisants, et il est difficile de s’y opposer ; ainsi, la nouvelle « taxe » de 2,8 % sans contrepartie et l’abandon des droits à réversion selon nos règles ferait immanquablement baisser les points actuels lors de la transformation en nouveaux points ;
  • Troisième illustration : en l’absence de maitrise par les notaires de la valeur des nouveaux points, les pensions de ceux qui sont déjà retraités et celles des futurs retraités varieraient différemment des règles actuelles. Il convient donc de défendre les droits acquis et d’en garantir le respect dans les meilleures conditions ; la défense de notre caisse de retraite est bien entendu importante, mais l’essentiel est de protéger les droits des cotisants et retraités actuels. Nous rappelons que les régimes complémentaires comme le nôtre étaient au départ des régimes facultatifs, régimes d’origine volontaire ; ils sont soumis à leurs dispositions statutaires que chacun doit respecter, y compris les pouvoirs publics. Voyons maintenant quelles sont les réactions des différentes branches des professions libérales. En pratique, il y a eu divers modes d’action. Prenons les avocats : dernièrement, ils ont manifesté vent debout contre la réforme en disant : elle va nous conduire à cotiser plus pour recevoir moins. Et le gouvernement a répondu : oui, mais vous avez de la chance parce qu’actuellement vous êtes en pleine montée démographique, en multipliant par 8 votre nombre en 40 ans, mais cela ne durera pas éternellement ! La position des avocats, accompagnés des kinés, et de quelques autres professions, a été une manifestation « contre la réforme ».

A l’intérieur de notre profession, la CPRN -alliée non pas avec les avocats mais avec les pharmaciens- a monté un collectif qui s’appelle ProAction et ce collectif a fait venir Xavier BERTRAND, futur présidentiable, pour commenter la réforme, à laquelle il est favorable dans son principe et sous certaines conditions. La CPRN estime qu’il faudrait un PASS et demi ou 50.000 € et non pas trois ; l’UNAPL aussi a plaidé pour un PASS et demi ; pourquoi ? Parce que si l’on limite à 60 000 Euros le nouveau régime pour les professions libérales, cela laisse plus d’espace aux retraites complémentaires, donc à notre caisse de retraite CPRN.

B : notre action a commencé à produire des résultats

Au SNN, avec Henri MAUREY et Philippe GLAUDET, nous avons travaillé notamment sur la reconnaissance du droit de propriété des réserves des sections B et C et leur affectation à la garantie des droits acquis découlant des statuts. Nous avons conclu avec le professeur Dutheillet de Lamothe, un avocat, ancien membre du Conseil constitutionnel et ancien président de section sociale au Conseil d’État, que les régimes de ces sections sont protégés par la Constitution au titre des articles garantissant le droit de propriété, du fait notamment de leur caractère volontaire à l’originel.

Le projet Delevoye établit qu’il y a des réserves pour 165 milliards (entre Agirc-Arrco, CPRN et les 42 professions), dont 2,8 milliards pour les notaires ; en résumé « nous prenons ces réserves, dont vous n’êtes pas propriétaire, (avec négation du droit de propriété sur les réserves), et nous ferons ce que nous pourrons pour satisfaire les engagements précédents ».

Donc, si le projet gouvernemental continuait dans la lancée du projet Delevoye, on nous priverait de nos réserves contre un droit de créance sur un organisme qui ne serait pas solvable pour nous payer nos droits acquis.

Un chiffre : 2,8 milliards de réserves au sein de la CPRN, si on calcule comme DELEVOYE, en retraités, cela fait 300 000€ par retraité. Si on prend maintenant les 165 milliards pour le nombre de retraités français cela fait 10 000 € par retraité, avec lesquels on nous « mélangerait », nous qui avons 300 000€ par retraité.si on prenait les actifs et les retraités, cela donnerait 200 000 Euros par personne. On mélangerait nos réserves avec celles des autres dans un organisme qui ne pourrait pas assurer toutes ses obligations envers nous : cotisants et retraités. L’étude conduite, pour l’instant sur le plan juridique, conclut que l’une des solutions serait -puisque nous avons douze années de pensions de réserve- avec ce nouveau régime, de garder la CPRN comme régime de complément et de comblement de la différence entre les avantages acquis ; la CPRN garderait le droit de propriété des réserves pour payer, le temps qu’il faut sur les dizaines d’années nécessaires, la différence entre les droits acquis à retraite des retraités actuels et des cotisants actuels qui ont accumulé des droits et le service, qui sera inférieur, du nouveau régime. Voilà l’univers, la galaxie, avec des positions différentes selon les organismes et les syndicats, mais il n’y a pas d’unité d’action entre toutes les professions libérales ni au sein même de la nôtre. Les points de vue sont partagés entre essayer de détruire cette réforme, de s’y opposer pour qu’elle n’intervienne pas ou essayer de s’en accommoder, mais en gardant les droits acquis et en se comportant comme des syndicats qui défendent les intérêts de leurs membres.

En pratique, nous avons participé à trois aux 7 séances du Haut-Commissariat à la réforme des retraites (HCRR) en notre qualité de seul syndicat « représentatif » au sens des lois sociales. Nous avons expliqué notre position et adressé une lettre au HCRR détaillant nos propositions. Le rapport de Monsieur Delevoye, dans un premier temps, n’a tenu aucun compte de nos propositions puisqu’il préconise page 101 de capter nos réserves en nous attribuant un vague droit de créance (tout notaire connaît bien la différence entre le droit de propriété et une simple créance !) Mais, dernièrement, le Président Macron a reconnu publiquement qu’il existait des droits acquis (niés dans leur principe par Monsieur Delevoye au début de sa mission) et qu’il existait un droit de propriété sur les réserves pour les affiliés de chaque caisse de retraite, protégé par la constitution. L’évolution est impressionnante et nous pensons que notre lettre et l’exposé répété inlassablement de nos convictions a participé à la prise de conscience par les pouvoirs publics de leur erreur de droit au départ. Faut-il pour autant relâcher notre vigilance et considérer que nous avons eu gain de cause ?

Les expériences passées, par exemple avec l’acte « sous signature d’avocat », pour reprendre l’expression adoptée par ces derniers, montre que rien n’est jamais acquis tant que la loi n’est pas promulguée. C’est pourquoi nous continuerons à défendre les droits acquis, le droit de propriété sur les réserves et le droit de continuer à avoir une caisse « complémentaire » ; à cet égard, nous prévoyons de publier un article dans une revue juridique. Plus que jamais, chaque profession doit défendre sa cause et ses droits et le syndicat national des notaires est là pour vous ; aidez-le en le rejoignant.

Régis HUBER, Henri MAUREY et Philippe GLAUDET Octobre 2019

[1] Arrêt de la section du Contentieux, n°421962

[2] La définition est opérationnelle, mais on lira sur son attribution à Jèze : Olivier NÉGRIN, « Une légende fiscale : la définition de l’impôt de Gaston Jèze », Revue de Droit public, année 2008, n°1, pp. 139-151.

[3] Voir au titre de cette question capitale : Paul-Marie GAUDEMET, « La fiscalisation des prélèvements sociaux », in Revue internationale de droit comparé, vol. 38, n° 2, avril-juin 1986, pp. 705-734.

[4] Julien DUVAL, « Une réforme symbolique de la sécurité sociale. Les médias et le trou de la Sécu », in Actes de la recherche en sciences sociales, Médecines, patients et politiques de sante, année 2002, n° 143, pp. 53-67.

[5] Olivier MANIETTE, « La CRPCEN, un modèle spécifique de gestion », in Revue Regards, EN3S-École nationale supérieure de Sécurité sociale, année 2018, n°2, pp. 129-139.

[6] Décision n°2000-437 DC, du 19 décembre 2000.

[7] (loi de finance rectificative pour 2012). Cette qualification entraine de manière concomitante du financement de la protection sociale et une augmentation de l’IR des résidents fiscaux français. L’article 154 quinquies du Code général des impôts excluant de la déduction de la base fiscale les cotisations sociales.

[8] Voir sur ce point : Stéphane AUSTRY, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n°47, avril 2015, p. 215.

Quelle réforme de nos retraites ?

Le gouvernement a annoncé en octobre 2018 qu’il allait entreprendre la réforme des retraites promise par le Président Emmanuel MACRON. Il s’agit de mettre en place un système universel de retraite devant remplacer les quarante-deux régimes de retraites existants, système public par répartition assurant l’égalité des français.

Il a été créé un Haut-Commissariat à la réforme des retraites. Le Syndicat National des Notaires a été invité par ce Haut-Commissariat à faire valoir et défendre la profession notariale puisque le débat engagé devait l’être avec les syndicats représentatifs.

J’ai participé aux six réunions, cinq par regroupement avec les huissiers de justice et les agents généraux d’assurance et une spécifique aux notaires. Régis HUBER m’a accompagné à cinq réunions et Henri MAUREY à deux réunions.

Il nous a été demandé dès la troisième réunion que le CSN y participe, ce que j’ai accepté. Le CSN y est représenté par Claire MENDRAS, directrice chargée des relations sociales et Rozenn le BELLER, membre du bureau en charge des relations sociales.

Nos auditions par le Haut-Commissariat à la réforme des retraites ont permis d’obtenir des avancées.

En effet, si certains engagements du gouvernement ne pouvaient être remis en cause, il était possible de débattre des modalités de la réforme.

Le Haut-Commissariat a :

– Accepté un taux de cotisation à 11,20 %, au lieu de de 28 % de 1 à 3 PASS (plafond de la Sécurité sociale) et qu’au-delà, le choix nous appartenait entre une cotisation obligatoire (jusqu’à un montant à déterminer) déductible fiscalement et socialement ou le recours intégral à l’épargne privée.

–  Confirmé ce que nous avions soutenu : notre droit de propriété sur nos réserves (2,7 milliards d’euros) et leurs revenus et que soit garantie l’affectation découlant de nos statuts aux engagements pris, tant pour les notaires actifs que pour les notaires retraités (niveau des pensions, action sociale, etc…),

–  Confirmé que la réversion à 100 % au profit du conjoint ayant opté resterait acquise, même si cette réversion n’a pas été liquidée lors de la réforme,

– Confirmé que système universel ne signifiant pas régime unique, la gouvernance serait assurée par une structure de tête, dans laquelle les professionnels seraient largement représentés, mais, qu’à côté, subsisteraient les organismes gestionnaires et donc la Caisse de Retraite et de Prévoyance des Notaires.

Il faudra évidemment que les propositions du Haut-Commissariat soient reprises par le gouvernement et le Parlement !

Nous vous présentons des extraits choisis des documents de travail qui nous ont été remis et  dont nous avons débattu lors des réunions.

Ce dossier est très emblématique du rôle désormais confié aux syndicats. Le dialogue social a lieu entre les syndicats de salariés et d’employeurs et le gouvernement y participe (en fonction du sujet).

Les négociations collectives ne relèvent donc pas des ordres. Le CSN s’est vu conférer le droit de négocier et signer des accords collectifs par une loi mais n’est pas, au sens social, représentatif et ne le sera jamais dans l’état actuel des textes.

Le débat social a lieu également au niveau de l’interprofession. C’est pourquoi le syndicat, bien que s’étant retiré de l’UNAPL, entretient d’excellentes relations avec celle-ci et par conséquence avec l’U2P dont fait partie l’UNAPL. Sur les sujets majeurs (par exemple les retraites), j’ai pris l’habitude de la concertation avec l’UNAPL, ainsi que, si le thème l’exige, avec les autres syndicats professionnels ou interprofessionnels de professions libérales. Ce sont ces excellentes relations avec l’UNAPL qui nous permettent d’avoir une influence et de participer à la décision en plusieurs domaines.

Lorsqu’existaient les OPCA (Organismes paritaires chargés de collecter les fonds de la formation professionnelle continue et de financer la formation des salariés), le notariat détenait divers sièges au conseil d’administration via l’UNAPL et par propositions de notre part.

Les OPCA ont disparu le 31 décembre dernier. Pourquoi ? Parce qu’il y avait dix-huit OPCA de branches (dont, pour nous, ACTALIANS) et deux OPCA interprofessionnelles dont AGEFOS-PME, (membre du conseil d’administration de la CPME) et que, comme en matière de retraite, la volonté présidentielle est de réduire les particularismes et donc les organismes qui en découlent.

Les OPCA sont désormais remplacées par onze opérateurs de compétences (OPCO) chargés d’accompagner la formation professionnelle jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la collecte par l’URSSAF ou la MSA, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020.

Le notariat a opté pour l’OPCO 10 (entreprises de proximité) parce que j’ai su convaincre Jean-François HUMBERT, président du CSN, que tel était le meilleur choix. L’OPCO 10 a été créé par l’U2P. Le gouvernement a souhaité ultérieurement que l’OPCO soit géré paritairement, ce pourquoi il a exigé et obtenu la présence de la CPME dans la gouvernance de l’OPCO 10, ce qui, à ce jour, eu égard aux divergences, rend impossible un bon fonctionnement de l’OPCO. Nous saurons nous organiser pour que le financement de formation continue au moins pour cette année, mais il y a un grand danger sur le système pour la suite.

Enfin, c’est grâce à l’intervention de l’UNAPL que nous avons conservé notre rôle au titre du FIFPL (fonds d’assurance formation crée à l’initiative de l’UNAPL portant sur la formation continue des travailleurs indépendants et des professionnels libéraux bénéficiant de la contribution de 0,25% du plafond annuel de la sécurité sociale). Ceci au profit du syndicat bien sûr et surtout des notaires.

Vous aurez déduit de tout ce que vous venez de lire que le SNN est désormais indispensable au notariat.

Philippe Glaudet, Président du SNN