PROCÈS UNAPL : LE SNN CONFORTÉ DANS REPRÉSENTATIVITÉ !

Par arrêté du 29 novembre 2017, le Ministre du Travail a fixé la liste des organisations patronales représentatives dans la Convention collective du Notariat, en application du Code du travail. Ce texte pose plusieurs principes :

  • D’abord, la représentativité exclusive du SNN, c’est-à-dire sa capacité à participer aux négociations sociales et conclure des conventions et accords collectifs de travail,
  • Ensuite, l’habilitation du CSN aux mêmes fins,
  • Enfin, à l’article 3 et en application de l’article L2261-19 du Code du travail -qui concerne l’extension des accords de branche-, les poids respectifs des deux organisations précitées : 89,13 % pour le CSN et 10,87 % pour le SNN.

Il y a donc lieu de distinguer entre la représentativité du SNN et la simple habilitation du CSN, la première étant la résultante d’un processus défini par le Code du travail -qui sanctionne l’ancienneté, le nombre d’adhérents, l’audience, le travail et l’apport du SNN à la Profession- ; la seconde étant une attribution de la Loi, puisque le CSN représente l’ensemble de la Profession.

Le 29 janvier 2018, l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) a déféré les articles 2 et 3 de l’arrêté précité à la censure de la Cour administrative d’appel de Paris. Le recours pour excès de pouvoir est un recours de plein contentieux, qui tend à l’annulation d’une décision administrative qui viole une règle de droit : c’est donc un procès fait à un acte, selon la célèbre formule d’Edouard Laferrière. A ce titre, le SNN et le CSN ont été invités à faire valoir leurs observations, étant intéressés par la cause, mais n’étant pas parties au procès.

Il est à noter que les articles déférés à la Cour concernaient uniquement les points suivants : l’habilitation du CSN et la part respectives des organisations patronales ; le SNN n’a présenté aucune observation, puisque l’annulation des articles en cause n’aurait aucune incidence pour lui.

L’UNAPL n’attaque donc pas la reconnaissance de la représentativité du SNN.

A l’appui de sa demande d’annulation partielle de l’arrêté, l’UNAPL développe plusieurs arguments, visant tous à dénier au CSN la possibilité de négocier et signer les conventions et accords collectifs et leurs extensions :

  • S’appuyant sur la théorie de l’abrogation implicite, l’UNAPL considère que l’habilitation du CSN, résultant de l’ordonnance du 2 novembre 1945, aurait été abrogée par des dispositions législatives ultérieures ;
  • De manière plus sérieuse, la nature juridique du CSN, qui est un établissement d’utilité publique, et qui possède à ce titre un pouvoir représentatif et disciplinaire sur l’organisation de la Profession,-ce qui l’assimile en fait à un ordre-, exclurait la possibilité d’être représentatif ;
  • Par ailleurs, le CSN regroupe tous les notaires, qu’ils soient employeurs ou salariés, ce qui empêche qu’il puisse négocier au nom des seuls employeurs.
  • Enfin, au titre de l’article L2151-1 du Code du travail, le CSN ne remplit pas la condition d’adhésion volontaire, puisque les notaires ont l’obligation légale d’y cotiser. Cette dernière condition ressort de la liberté syndicale.

Dans le cadre de son mémoire en réponse, le ministère du Travail conclut à titre principal à l’irrecevabilité de la requête de l’UNAPL pour défaut d’intérêt à agir. En effet, l’UNAPL a pour objet la défense des intérêts des professionnels libéraux, et donc n’a pas spécifiquement pour objet de défendre ceux  des Notaires. L’arrêté du 17 novembre 2017 ne portant que sur le notariat, l’objet social de l’UNAPL n’est pas en adéquation avec la portée de ce texte.

S’agissant de l’abrogation implicite, l’UNAPL n’apporte pas la preuve du caractère inconciliable des dispositions en question.

Pour ce qui concerne enfin la représentativité, les obligations du Code du travail n’ont pas à être appliquées par le CSN, puisqu’il s’agit d’une habilitation législative.

Au soutien de cette argumentation, le CSN a présenté son mémoire en défense, avec principalement :

  • Le défaut d’intérêt à agir de l’UNAPL, d’une part parce que l’acte en question ne lui ferait pas grief de manière directe et certaine, et, d’autre part, parce que l’objet social de l’UNAPL est beaucoup trop général –la défense des professions libérales- et qu’elle n’a pas d’intérêts à défendre dans le cadre plus restreint du Notariat.
  • Sur l’abrogation implicite, le CSN relève que l’incompatibilité doit être radicale.
  • S’agissant de la liberté syndicale, la loi n’a pas entendu confier aux seuls syndicats un quelconque monopole dans la négociation collective.

Par un arrêt du 20 juin 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré qu’en effet l’UNAPL n’avait pas d’intérêt à agir et donc n’avait pas la possibilité de déférer l’arrêté en question devant les juridictions administratives. L’objet social de l’UNAPL n’est pas restreint ou spécifié à la branche professionnelle du Notariat.

La Cour administrative a repris ici l’argumentation du rapporteur public, à savoir la nécessité d’une adéquation suffisante entre la nature des intérêts défendus par l’organisation requérante et les effets de l’acte qu’elle conteste ; par ailleurs, même si une organisation dont l’objet serait vaste peut agir, encore convient-il que la décision attaquée soulève des questions de principe, ce qui n’est pas le cas de l’arrêté attaqué.

Il faut cependant noter que le rapporteur public, par voie d’incidente, se prononce sur la légalité interne de l’article 3 de l’arrêté : cet article définit les poids respectifs des organisations professionnelles patronales, dans le cadre de l’application de l’article L2261-19 du Code du travail, relatif à l’opposition à l’extension des accords collectifs. Or, le code du travail vise exclusivement les organisations patronales d’employeurs, ce que n’est pas le CSN, qui est un établissement d’utilité publique et qu’il représente du fait de la loi l’ensemble de la profession, notaires employeurs et notaires salariés.

Même si la Cour ne se prononce pas sur ce point –qui n’est pas soulevé par l’UNAPL-, il faut remarquer que seul le SNN est en mesure de s’opposer aux extensions d’accords collectifs, puisqu’il est le seul organisme représentatif et donc la seule organisation patronale d’employeurs.

Dans son mémoire, le Ministère du travail précise même les modalités de décompte et de répartition de ces poids respectifs, en ne retenant sur le chiffre total des notaires que les notaires employeurs ou titulaires pour le CSN et uniquement les notaires adhérents pour le SNN.

En tout état de cause, on peut donc remarquer que seul  le SNN est compétent pour signer  les extensions à la Convention collective.

Par ailleurs, et enfin, si l’on se réfère à un arrêt de la même cour en date du 13 mai 2019, portant sur l’arrêté du 2 février 2018 qui fixe la liste des organisations représentatives dans la convention collective nationale des huissiers de Justice, et attaqué de la même manière par l’UNAPL, aucune stipulation des statuts de l’UNAPL ne concerne explicitement l’organisation de la négociation collective au sein des professions que l’UNAPL s’est donnée pour vocation de regrouper.

Il faut remarquer que l’intérêt à agir de l’UNAPL pourrait être reconnu si elle modifiait ses statuts en vue de les rendre spécialement dirigés vers l’organisation des professions qu’elle entend défendre. A chaque profession libérale devrait correspondre un article spécifique, fixant les modalités du dialogue social. L’UNAPL pourrait être alors reconnue représentative en tant que syndicat de branche, au titre des dispositions combinées des articles L.2151-1 et L.2152-1 du code du travail.

Guillaume BÉTEMPS, juriste au SNN.